Avant le temps ? Et bien il y avait moi. Comment ça qui c’est moi ? Et bien Furfur voyons ! Bon d’accord je n’étais pas le seul. Encore avant moi, il y a eu les Anges. Oui ces êtres ailés et qu'on dit bienveillants, les premiers enfants de Dieu. Et bien figurez-vous que je peux en die autant ! Oui je suis un enfant de Dieu moi aussi dans le sens littéral du terme. Ca pète hein ? Je sais, je sais. C’est quand même classieux même si bon sortir ça à tout bout de champ quand tes potes sont aussi les enfants de Dieu, cela n’a pas vraiment de valeur mais qu’à cela ne tienne.

Enfin je suis donc né à l’époque où le temps n’était même pas encore apparu. J’étais été façonné de la main de Dieu, de sa volonté, j’ai pris forme dans le Paradis. Ce n’est pas en tant qu’ange que je suis venu au monde mais bel et bien en tant que démon à part entière. Dire que cela a été causé par l’ennui provoqué par ces précédents enfants. Il faut dire qu’il y a plus amusant qu’un Ange. C’est bien trop coincé, bien trop rigide à mon goût. Je me trouve quand même bien plus amusant et puis ça fait du bien un peu de légèreté - ne pas dire bordel voyons ! - dans cette écrasante perfection. Etre démon, c’est être le pendant des anges littéralement. Alors bien sûr, je n’avais pas l’apparence que j’ai aujourd’hui lorsque je suis venu au monde. Et je peux dire que je ne conviens en aucun cas à la case « beau gosse » dans l’idéal humain mais je trouve que je suis plutôt bien réussi, même plus pas mal du tout. Dommage qu’on ne puisse pas se balader ainsi de nos jours… Quoi que cela serait un peu effrayant pour ces pauvres âmes en perdition qui risqueraient bien vite de remonter sur la berge !

Bref, il était temps de se pencher sur l’une des créations de notre saint père à tous, l’Homme. Non pas seulement l’homme de sexe masculin mais plutôt au genre humain. C’est qu’ils étaient bien mignons les deux premiers prototypes de notre seigneur mais bonjour la rigidité ! A croire qu’Il s’était calqué sur ses premiers enfants pour faire ces deux-là. Pitié non, malgré tout le respect que j’ai pour lui, n’apprend-t-il pas de ses erreurs à la fin ? Vous comprenez bien la raison de pourquoi ce fameux Serpent a fait son apparition dans le jardin d’Eden. C’est bien la première fois que je me suis amusé à tourmenter ces deux âmes. C’est aussi là que le péché originel a vu le jour. D’ailleurs, je trouvais tellement que c’était beau cet acte que je m’y suis rapidement attaché. Au moins Bélial ne serait plus le seul à s’amuser ! Il avait été le seul à pouvoir faire joujou avec les dinos, un peu aux autres de s’amuser !

A l’instar du fait que je trouvais les créations de notre père bien faibles, je trouvais là aussi un intérêt qui se faisait croissant sur la faiblesse des humains. Il fallait voir ce dont ils étaient capables. Pour cela je devais m’en mêler, voir jusqu’où il était possible de pousser l’expérience, de pousser… le Vice.

Néanmoins, il a fallu que Michel décide de la ramener avec ses exploits. Quand on dit que les démons sont mégalomanes je crois que les anges détiennent la palme de ce côté là. Enfin, tout ça pour finir finalement se retrouver enfermer et puni ! Eh, j’y étais pour rien si l’autre a décidé de tout faire cramer ! En plus j’avais des projets intéressants qui ont dû être remis à plus tard. Qu’à cela ne tienne, je prendrais mon mal en patience en jouant avec les rigides plumés ! Expérience numéro 6453 voir s’il est possible qu’un Ange décide de se sortir le balais et le sceau qu’il a dans son fondement…

Bien que mes frères, comme Gaziel était très productif en matière de catastrophes naturelles, soient très penchés vers un côté assez théâtral de leurs actes multiples - que je n’hésitais pas à commenter d’ailleurs en désapprouvant ce côté bien trop rentre-dedans et pourtant Dieu sait que j’aime ça ! -  je me concentrais davantage sur les humains et les vices vers lesquels je pourrais les amener. Je me rappelle à vrai dire parfaitement des rescapés de l’épisode « Gaziel décide de refermer la mer sur tout le monde pour voir qui allait survivre » dont j’avais gonflé d’orgueil le coeur afin de voir ce que ça faisait et ben paf un veau d’or rien que ça ! Non mais s’ils sont pas un peu limités quand même. Ca fait presque de la peine. Quoi que je crois que ce n’est pas mieux que l’autoproclamé fils de Dieu. Qu’est-ce qu’il pouvait être mou ! Je crois qu’il a grandement participé au mépris que j’ai vis-à-vis des phases figés où rien n’évolue.

Commentant toujours les exploits de mes frères, j’étais quand même ravi de voir autant de vices atteindre l’âme de toutes les créations de Dieu. Certes, je ne doutais pas de la noirceur de mes pairs mais j’étais assez ravi de voir que la gourmandise pouvait faire entrer en état second certains d’entre nous. Bon ok, on l’a payé cher en se faisant mettre au trou - littéralement - mais je trouve que le jeu en valait la chandelle. Il me fallait chaque jour des défis, des moments où je devais sortir de ma zone de confort pour aller toujours plus loin. Je ressentais à chaque fois un peu plus de plaisir mais ce plaisir ne durait jamais assez longtemps à mon goût. Enfin j’ai dû quand même mettre un peu tout ça au placard avec cet exil.

Alors certes la lumière du Paradis commençait à être lourde à la fin mais là se retrouver six pieds sous terre et sans transition. Les parents auraient pu faire un effort quand même ! Mais bon, il faut faire avec. Mais je me rappelle que cette période a eu quelque chose de bon. Au 4ème siècle, j’ai décidé de prendre en partie la tête des Enfers au côté de mes pairs. Je n’avais pas la folie des grandeurs de Belzébuth mais j’étais plutôt ravi du poste que j’occupais. Sauf qu’il a fallu que deux siècles plus tard qu’un fiasco éclate et que je me retrouve bouté de mon siège de régent. Tsss mais c’était que j’étais bien assis moi !

Ce fut à partir de ce moment là que je décidais alors d’expérimenter aussi sur les autres habitants des Enfers. Le Vice était une composante essentielle de la vie. Et j’allais ainsi pouvoir voir de quoi était capable les miens. J’affutais grandement mes pouvoirs démoniaques notamment le don que je possédais. Cela se fit d’ailleurs au grand damne de celui qui s’était bien vu en tant que mon successeur dans le rôle de régent de la sphère des péchés. Aujourd’hui, il est bien trop fat pour penser à autre chose qu’à manger !

Mais une aubaine se fit pour nous, habitants des Enfers. Notre saint père a décidé de nous laisser entrevoir un monde que nous ne connaissions que d’en-haut. Pour moi, la décision fut rapide. En route pour la surface. Les humains présents étaient tout aussi fragiles - quoi qu’un peu plus complexes - que les deux premiers représentants de l’Homme. Il était temps de recommencer les expériences. Si mes frères mettaient tout à feu et à sang, je corrompais de mon côté les âmes des habitants de la Terre, même les coeurs les plus purs. Je trouvais cela grisant de les voir soumis ainsi à ce vice dont j’étais la cause d’une certaine façon. Sauf qu’on se fit bouter par une étrange organisation et résultat retour sous la surface. C’est barbant, c’est un peu comme un retour à la case départ. Enfin, j’en avais appris un peu plus sur ces humains que je trouvais toujours aussi fascinants.

Mais ce fut à partir de 1024 que j’ai pu de nouveau exprimer mes talents. Une nouvelle porte s’était ouvert sur le monde, sauf que les frères plumés étaient aussi présents. L’angoisse ! Il a fallu se battre. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé cette histoire alors j’ai décidé de mettre à profit tout le savoir et l’expérience que j’avais en matière de tentation et manipulation. Autant sur les humains que sur mes frères contre lesquels j’éprouvais un malin plaisir à les entacher de cette noirceur que je pouvais posséder. Et à partir de cette année, je suis présent sur Terre.

Contrairement aux autres sphères, j’ai agi davantage dans l’ombre, faisant preuve de sournoiserie et machiavélisme. Le but était simple corrompre un peu plus l’humanité chaque jour afin de faire de ce monde, un endroit à notre image, à l’image des Enfers mais dans un style plus aéré. Bien évidemment en tant que Prince démon j’ai activement participé à tous les conflits qui ont marqué la planète et l’humanité en général. Que cela soit de manière plutôt effacée ou alors extrêmes. Les siècles passants, ma sphère parvenait à prendre toujours un peu plus l’ascendant sur les humains. D’ailleurs la libération sexuelle et tout ce qui s’en suit, vous croyez que c’est qui l’investigateur de tout ça hein ? C’est bibi !

Mais ce ne fut qu’en Août 2016 que les événements tournèrent davantage en notre faveur. Il y avait un point central pour l’activité démoniaque. Une bouche venait de s’ouvrir à la Nouvelle-Orléans.

L’humanité changeait doucement mais sûrement. Moi qui la suit depuis ses prémices, j’ai bien vu qu’elle tendait vers une décadence dont je me réjouis de plus en plus. Chaque événement a permis à l’Homme de penser qu’il s’affirmer alors qu’il était de plus en plus à l’écoute de sa personne et de ces vices. Un moyen pour moi de récolter encore plus d’âmes qui viendront galvaniser le monde d’en-bas.

Mais il y a un souci de détail qui se profile à l’horizon. Des reliques viennent de refaire surfaces. Ces objets oubliés aux puissants pouvoirs semblent être un don du ciel pour certains… Un véritable grain de sel qui serait un empêchage de tourner en rond pour nous démons. Peut-être pourrais-je tirer de cette situation… Que cette chasse devienne une obsession pour certains… Que l’envie gagne d’autres. Finalement est-ce finalement une si mauvaise nouvelle ?

Quant à moi, je participe aux activités illicites du Daemonis Arcana afin de venir en aide au Prince démon qui en a la charge notamment dans la partie trafic notamment de drogues. C’est une addiction comme une autre, hein ! Mais afin d’assurer un côté plus tangible aux yeux de la « loi », je fais parti du réseau d’escort haut de gamme tenu mis en place par la sphère des Péchés. Si la majorité des clients me voient comme un simple escort, tous les démons qui y travaillent sont au courant de mon statut véritable. Mais bon, il faut savoir donner de sa personne - genre c’est une contrainte - comme on dit !

S’il y avait bien une chose que j’appréciais, c’était ce moment où j’ouvrais les yeux avant de me redresser dans le lit d’un inconnu. Les draps froissés sur mon corps et presque jetés là, témoignaient depuis des activités de la veille qui avaient été prolongées jusqu’à dans les profondeurs de la nuit. Je me redressais doucement tout en roulant légèrement des épaules avant de faire bouger ma tête pour dénouer ma nuque. Machinalement, j’attrapais une cigarette que j’allumais avant de poser mon regard sur le mur qui était face à moi.

C’était peut-être un moment anodin pour certains mais il avait une importance capitale pour moi. C’était un nouveau client. Un homme âgé d’une quarantaine d’années environs aux moyens financiers des plus aisés. Il vivait sa crise de la quarantaine, il avait besoin de prendre l’air, de changer de ce quotidien qu’il m’avait dit étouffant. Je l’avais rencontré dans un bar du réseau, tout à fait par hasard. Enfin par hasard, tout est relatif. Si bien souvent ce sont les clients qui choisissent l’escort qu’ils souhaitent, dans mon cas j’arrive toujours à les faire céder bien avant qu’ils n’aient le temps d’y réfléchir à deux fois.

Dans ce genre d’endroit, là où l’inconnu est partout, nombreux sont les clients réguliers ou ponctuels qui décident de s’épancher sur leur vie. Combien de secrets, de révélations qu’on pourrait qualifier de troublantes ai-je entendu ? Tellement qu’il n’est possible de les compter. Si je vends des services en toute sorte, une nuit avec moi se solde souvent de la même façon pour mes clients. Ils veulent toujours les mêmes choses : de l’affection ou alors une expérience nouvelle, ou bien même réaliser les fantasmes les plus secrets et tabous qu’ils nourrissent chaque jour. Je n’ai jamais refusé une seule requête. Je suis amateur de défis que je me plais à relever les uns après les autres, comme on pourrait enchainer les épisodes d’une série. J’ai besoin de ma dose. Si certains prennent de la drogue, moi j’ai besoin de quelque chose de moins clair mais qui me procure des sensations bien plus puissantes et grisantes.

Sauf que cette fois-ci, la nuit ne s’est pas finie de la même façon. Je fais toujours d’entrevoir une opportunité qu’il faut saisir. Chacun de mes mots sont tournés vers l’absolution suprême du Péché. Mon but est le même avec chaque humain, chaque client : qu’à la fin, leur âme m’appartienne.

Cet homme voulait un changement, un grand changement. Il voulait enfin profiter de la vie sans attache, sans aucune restriction. Et bien sans soucis. Cette nuit, son voeu le plus cher s’est réalisé. Un voeu qui est pourtant un coup de tête. J’ai consumé sa mémoire en même temps que j’ai consommé notre étreinte, le tout en échange de sa personne toute entière. Il pensait sans doute que cela était une expression comme une autre, et pourtant cela est bien plus littéral. Lorsqu’il se réveillera, les seuls souvenirs qu’il possèdera, seront celui de cette nuit qu’il trouvera extraordinaire - sans me vanter - et rien d’autres.

Je jetais un regard sur le corps encore endormi. Un rictus apparut au coin de mes lèvres charnues. Sortant alors du lit, tel un félin, j’enfilais sans attendre mon pantalon ainsi que ma chemise. Ecrasant la cigarette dans le cendrier qui était sur la table de nuit, je partis en direction de la porte de la chambre. Remettant mes chaussures, je passais dans le séjour où j’en profitais pour écrire un mot que je laissais trôner sur la table en verre. Un dernier regard vers la porte entrouverte de la chambre.

« Encore un qui ne va plus savoir où il habite. » murmurais-je alors que je me téléportais hors de l’appartement pour apparaître dans une ruelle non loin de là où j’avais passé la nuit. Sortant du lieu un peu à l’abri des regards, je pris la direction de l’un des bureaux du réseau. Je devais y déposer l’argent que j’avais gagné. J’aime qu’un plan se déroule sans accroc.

Sur le papier, il y avait écrit : « Ravi d’avoir fait affaire avec vous. »